Bundesverfassungsgericht

Sie sind hier:

Succès partiel des recours constitutionnels dirigés contre la loi relative à la protection du climat

Communiqué de presse no. 31/2021 du 29 avril 2021

Arrêt du 24 mars 2021 - 1 BvR 2656/18, 1 BvR 78/20, 1 BvR 96/20

Dans son arrêt publié aujourd’hui, le premier sénat de la Cour constitutionnelle fédérale a jugé que les dispositions de la loi du 12 décembre 2019 relative à la protection du climat (Klimaschutzgesetz – KSG) relatives aux objectifs nationaux pour protéger le climat ainsi que le volume des émissions annuelles permis jusqu’en 2030 ne sont pas conformes aux droits fondamentaux, dans la mesure où ne sont pas prévues des exigences suffisantes pour la réduction ultérieure des émissions à partir de l’année 2031. Pour le reste, les recours constitutionnels ont été rejetés.

La loi relative à la protection du climat impose une réduction de 55 % des émissions des gaz à effet de serre jusqu’en 2030 par rapport au niveau de ces émissions en 1990, et, en fixant par secteur les volumes d’émissions annuelles permis, elle détermine les trajectoires de réduction applicables au cours de cette période (§ 3, alinéa 1 et § 4, alinéa 1, 3e phrase KSG combiné à l’annexe no 2). Il n’est pas possible de constater qu’en introduisant les dispositions contestées le législateur aurait violé son devoir, découlant des droits fondamentaux, de protéger les requérants contre les dangers émanant du changement climatique ou qu’il aurait violé l’obligation de protéger le climat consacrée à l’article 20a de la Loi fondamentale (LF). Toutefois, les dispositions contestées portent atteinte aux libertés des requérants, dont certains sont encore très jeunes. Elles repoussent irréversiblement à la période postérieure à 2030 des charges considérables en matière de réduction d’émissions. L’obligation de réduire les émissions des gaz à effet de serre découle entre autres de la Loi fondamentale. L’objectif constitutionnel, consacré à l’article 20a LF, de protéger le climat a été concrétisé par la loi contestée qui exige que l’augmentation de la température moyenne de la planète soit, conformément aux objectifs de l’accord de Paris, contenue nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, et de préférence en dessous de 1,5 °C. Afin d’y parvenir, il faudra qu’après 2030 les réductions nécessaires d’émissions interviennent de manière de plus en plus urgente et à brève échéance. Ces obligations futures de réduire les émissions concernent pratiquement et potentiellement toute forme de liberté, étant donné qu’actuellement presque toutes les activités humaines génèrent encore des émissions de gaz à effet de serre et sont dès lors menacées de se voir imposer des restrictions sévères après 2030. Par conséquent, le législateur aurait dû prendre des mesures de précaution destinées à préserver la liberté protégée par les droits fondamentaux et à atténuer ces charges considérables. Pour y parvenir, il est nécessaire de réaliser à temps le passage vers la neutralité climatique. Les dispositions relatives à l’ajustement de la trajectoire de réduction des émissions des gaz à effet de serre à compter de l’année 2031 ne suffisent toutefois pas à cette fin. Le législateur est tenu, d’ici le 31 décembre 2022, de régler plus précisément l’ajustement des objectifs de réduction des émissions pour la période postérieure à 2030.

Faits de l’espèce :

La loi relative à la protection du climat répond à la nécessité constatée par le législateur de renforcer les efforts en cette matière et vise à assurer une protection contre les effets du changement climatique planétaire (§ 1, 1re phrase KSG). Selon son § 1, 3e phrase, la loi se fonde d’une part sur l’obligation, découlant de l’accord de Paris entré en vigueur le 4 novembre 2016, selon laquelle l’augmentation de la température moyenne de la planète doit être contenue nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, et de préférence en dessous de 1,5 °C, et d’autre part sur l’engagement de la République fédérale d’Allemagne de viser d’ici 2050 la neutralité en matière de gaz à effet de serre en tant qu’objectif à long terme. Selon le § 3, alinéa 1 KSG, les émissions de gaz à effet de serre devront être réduites progressivement d’ici l’année 2030 d’au moins 55 % par rapport au niveau de 1990. Le § 4, alinéa 1, 3e phrase KSG combiné à l’annexe n2 fixe pour différents secteurs les volumes d’émissions annuelles correspondant aux taux de réduction des émissions d’ici 2030. La loi ne contient pas de dispositions relatives à la période postérieure à l’année 2030. Le § 4, alinéa 6 KSG prévoit qu’il appartiendra au gouvernement fédéral, en 2025, de fixer par décret pour de nouvelles périodes à compter de 2030 des volumes d’émissions décroissant annuellement.

Dans leurs recours constitutionnels, les requérants soutiennent notamment qu’avec le § 3, alinéa 1 et le § 4, alinéa 1, 3e phrase KSG combiné à l’annexe no 2, l’État n’aurait pas adopté de dispositions suffisantes pour une réduction rapide des gaz à effet de serre, en particulier de dioxyde de carbone (CO2), lesquelles seraient pourtant nécessaires pour contenir la température en dessous de 1,5 °C ou du moins nettement en deçà de 2 °C. Selon les requérants, cette nécessité découle du fait qu’en cas d’une augmentation de plus de 1,5 °C, la vie de millions d’êtres humains se trouverait menacée et qu’il y aurait le risque que des points de basculement soient franchis, ce qui entraînerait des conséquences imprévisibles pour le système climatique. Ils affirment que la réduction des émissions de CO2 prévue par la loi relative à la lutte contre le changement climatique ne permet pas de respecter le « budget résiduel de CO2 » correspondant au seuil des 1,5 °C d’augmentation de la température. Les requérants, dont certains vivent au Népal et au Bangladesh, fondent leurs recours constitutionnels en particulier sur les devoirs de protection de l’État découlant des droits fondamentaux et tirés de l’article 2, alinéa 2, 1re phrase LF et de l’article 14, alinéa 1 LF ainsi que sur deux droits fondamentaux qu’ils veulent déceler dans l’article 2, alinéa 1 LF combiné à l’article 20a LF et dans l’article 2, alinéa 1 LF combiné à l’article 1, alinéa 1, 1re phrase LF, et qui consacreraient respectivement un droit à un avenir digne et un droit à un minimum vital environnemental (ökologisches Existenzminimum). En ce qui concerne les charges futures imposées par des obligations de réduction des émissions postérieurement à 2030 – des charges que les requérants qualifient de « freinage complet » – les requérants invoquent leurs libertés de manière générale.

Essentiel du raisonnement du premier sénat :

Les recours constitutionnels connaissent un succès partiel.

I. Dans la mesure où les requérants sont des personnes physiques, leurs recours constitutionnels sont recevables. En revanche, les deux associations de défense de l’environnement n’ont pas de qualité pour agir. Elles prétendent agir en tant qu’« avocats de la nature » et avancent, sur le fondement de l’article 2, alinéa 1 LF combiné à l’article 19, alinéa 3 LF et à l’article 20a LF interprétés à la lumière de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, que le législateur n’aurait pas adopté de mesures adéquates pour limiter le changement climatique et qu’il aurait par conséquent méconnu des exigences contraignantes imposées par le droit de l’Union pour la protection des fondements naturels de la vie. Ni la Loi fondamentale ni le droit processuel constitutionnel ne prévoient une telle qualité pour agir.

II. Une violation des devoirs de protection découlant de l’article 2, alinéa 2, 1re phrase LF et de l’article 14, alinéa 1 LF qui résulterait des dangers émanant du changement climatique ne peut être constatée.

La protection de la vie et de l’intégrité physique en vertu de l’article 2, alinéa 2, 1re phrase LF inclut une protection contre des atteintes entraînées par des dégradations de l’environnement, quel qu’en soit l’auteur et quelles qu’en soient les causes. Le devoir de protection imposé à l’État par l’article 2, alinéa 2, 1re phrase LF inclut le devoir de protéger la vie et la santé humaines contre les dangers émanant du changement climatique, parmi lesquelles figurent vagues de chaleur, incendies de forêt, cyclones, pluies torrentielles, inondations, avalanches, ou encore glissements de terrain. Il peut donner lieu à un devoir de protection objectif même envers des générations futures. Étant donné que suite au changement climatique, des biens matériels comme des surfaces agricoles ou des biens immobiliers, sont susceptibles de subir des dommages, par exemple du fait de la montée du niveau des mers ou du fait de sécheresses, le droit de propriété consacré à l’article 14, alinéa 1 LF fonde un devoir de l’État de protéger la propriété contre les dangers émanant pour celle-ci du changement climatique.

Eu égard à la marge d’action dont dispose le législateur lorsqu’il met en œuvre ses devoirs de protection, une violation des devoirs susmentionnés ne peut être constatée. Serait manifestement inadaptée pour satisfaire à l’exigence découlant des droits fondamentaux de protéger contre les dangers émanant du changement climatique une protection axée sur une approche qui n’aurait pas pour objectif la neutralité climatique ; le réchauffement de la planète ne saurait être arrêté d’une telle manière, parce que toute augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère contribue au réchauffement planétaire et que le CO2, une fois parvenu dans l’atmosphère, y demeure en grande partie et ne peut, du moins en l'état actuel, en être retiré. Entièrement insuffisante serait une approche consistant à laisser libre cours au changement climatique et de satisfaire à l’exigence de protection découlant des droits fondamentaux uniquement au moyen de mesures d’adaptation à ce changement. Ni l’une, ni l’autre de ces deux approches n’ont toutefois été suivies dans la présente affaire. En fin de compte, ne peut non plus être constaté que le législateur aurait excédé sa marge constitutionnelle d’action lorsqu’il s’est fondé sur les objectifs de l’accord de Paris, selon lesquels l’augmentation de la température moyenne de la planète doit être contenue nettement en dessous de 2 °C, et de préférence en dessous de 1,5 °C. À cet égard, il importe de relever également qu’une protection complémentaire assurée au moyen de mesures d’adaptation au changement climatique est en principe possible lorsqu’il s’agit de protéger les droits fondamentaux contre les dangers émanant du changement climatique.

Il n’est pas nécessaire de décider si les devoirs de protection découlant des droits fondamentaux imposent à l’État allemand de protéger aussi les requérants vivant au Bangladesh et au Népal contre les dommages imminents ou déjà devenus réalité et qui sont causés par le changement climatique planétaire. En fin de compte, il ne serait pas possible de conclure à une violation d’un devoir de protection.

III. Toutefois, des droits fondamentaux sont violés du fait que les volumes des émissions prévus à l’horizon 2030, fixés par le § 3, alinéa 1, 2nde phrase et le § 4, alinéa 1, 3e phrase KSG combiné à l’annexe no 2, réduisent de manière considérable les possibilités restantes d’émettre des émissions après 2030 et que pratiquement toute liberté garantie par les droits fondamentaux est menacée par cette situation. Dans leur dimension de garantie de la liberté dans le temps, les droits fondamentaux protègent ici les requérants contre une menace grave à la liberté résultant du fait que la charge imposée par l’article 20a LF de réduire les émissions de gaz à effet de serre est reportée unilatéralement à l’avenir. Le législateur aurait dû prévoir des mesures destinées à assurer un passage à la neutralité climatique plus en douceur et ménageant les libertés. De telles mesures font pour l’heure défaut.

1. Les dispositions contestées entraînent pour la liberté pleinement protégée par la Loi fondamentale un effet anticipé similaire à celui d’une ingérence (eingriffsähnliche Vorwirkung). Les possibilités de faire usage de cette liberté d’une manière qui implique directement ou indirectement des émissions de CO2 sont limitées par la Constitution, étant donné que, en l’état actuel, de telles émissions contribuent irréversiblement au réchauffement de la planète, et que la Constitution interdit au législateur de demeurer inactif face à un changement climatique progressant à l’infini. Des dispositions admettant à présent des émissions de CO2 portent en elles une menace irréversible pour la liberté future, étant donné que tout volume d’émissions de CO2 autorisé aujourd’hui réduit inexorablement les possibilités restantes et conformes à l’article 20a LF de produire de telles émissions ; par conséquent, un usage de la liberté ayant un effet en matière de CO2 sera à l’avenir soumis à des restrictions de plus en plus contraignantes, des restrictions imposées également par les exigences découlant du droit constitutionnel. Il est certes exact que pour arrêter le changement climatique, un usage de la liberté ayant un effet sur les émissions de CO2 devra de toute manière cesser pour l’essentiel, étant donné qu’il ne pourra être mis un terme au réchauffement de la planète que si la concentration de CO2 dans l’atmosphère due à l’activité de l’homme cesse d’augmenter. Toutefois, une consommation d’une large partie du budget de CO2 déjà d’ici 2030 aggrave le risque de pertes graves de la liberté, étant donné qu’une telle approche réduit le délai pour des évolutions techniques et sociales qui permettraient de passer, d’une manière ménageant la liberté, d’un mode de vie qui repose actuellement encore dans une très large mesure sur des émissions de CO2 à des comportements ayant un bilan neutre pour le climat.

Pour être conforme à la Constitution, l’effet anticipé similaire à celui d’une ingérence produit par les dispositions actuelles en matière d’émissions – un effet pas uniquement de fait, mais causé par le droit applicable – doit d’une part être conforme à l’obligation objective, formulée à l’article 20a LF, de protéger le climat. Une ingérence dans les droits fondamentaux ne peut être justifiée en vertu du droit constitutionnel que si les dispositions sur le fondement desquelles cette ingérence intervient sont conformes aux choix élémentaires et principes constitutionnels généraux arrêtés par la Loi fondamentale. Parmi les principes à respecter figure également l’article 20a LF. Eu égard à l’effet anticipé similaire à celui d’une ingérence pour les libertés protégées par les droits fondamentaux, cette constatation s’applique également dans le cas de l’espèce. D’autre part, pour être justifiées en vertu du droit constitutionnel, les dispositions relatives aux émissions de gaz à effet de serre ne doivent pas imposer des charges disproportionnées affectant les requérants dans l’exercice futur de leur liberté.

2. À l’heure actuelle, une violation de l’article 20a LF par le § 3, alinéa 1, 2nde phrase, et le § 4, alinéa 1, 3e phrase KSG combiné à l’annexe no 2 ne peut être relevée.

a) L’article 20a LF impose à l’État de protéger le climat et vise à la réalisation de la neutralité climatique. L’objectif de la protection du climat ne bénéficie pas d’une primauté absolue par rapport à tous les autres intérêts en jeu, mais doit, en cas de conflit, être concilié avec d’autres droits et principes protégés par la Constitution. Étant donné, en l’état actuel des connaissances, le caractère irréversible du changement climatique, toute activité susceptible de conduire à un dépassement du seuil de température déterminant dans le cadre de l’objectif constitutionnel de protéger le climat ne pourra être justifiée que lorsque des conditions strictes sont remplies – par exemple au motif d’une protection de droits fondamentaux. Dans le contexte de cette mise en balance d’intérêts, l’importance relative de l’obligation de protéger le climat continuera d’augmenter plus le changement climatique progressera.

Le fait que le climat et le réchauffement de la planète constituent des phénomènes mondiaux et que, dès lors, les problèmes causés par le changement climatique ne pourront être résolus par l’action d’un seul État, ne fait pas obstacle à l’obligation formulée par l’article 20a LF de protéger le climat. Cette obligation comporte une dimension internationale particulière. L’article 20a LF impose à l’État de rechercher une solution au problème du changement climatique également et en particulier à l’échelon supra-étatique. L’État ne saurait se dégager de sa responsabilité en soulignant les émissions de gaz à effet de serre produites par d’autres États. Bien au contraire, du fait que l’État dépend en la matière spécifiquement de la communauté internationale, il découle une nécessité constitutionnelle d’une part de prendre réellement ses propres mesures de protection du climat et d’autre part de s’abstenir d’actions susceptibles d’inciter d’autres États à miner la coopération nécessaire.

Le caractère ouvert de l’article 20a LF ainsi que son renvoi explicite au législateur n’excluent pas que soit opéré un contrôle de constitutionnalité des mesures destinées à mettre en œuvre l’obligation de protéger le climat ; l’article 20a LF contient une norme juridique susceptible d’être invoquée en justice, une norme dont l’objectif est d’imposer au processus politique la prise en compte de préoccupations environnementales, notamment en ce qui concerne les générations futures qui seront particulièrement affectées par le changement climatique.

Lorsqu’il s’est fondé, au § 1, 3e phrase KSG, sur les objectifs de l’accord de Paris, le législateur a exercé son devoir et sa prérogative de concrétiser l’objectif de protéger le climat formulé par l’article 20a LF, et il a procédé à une concrétisation licite lorsqu’il a adopté l’exigence de contenir l’augmentation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, et de préférence en dessous de 1,5 °C. Cette appréciation doit également servir de fondement pour l’examen de constitutionnalité opéré par la Cour constitutionnelle fédérale.

b) En tenant compte de la marge d’action dont dispose le législateur, une violation par le § 3, alinéa 1, 2nde phrase et le § 4, alinéa 1, 3e phrase KSG combiné à l’annexe no 2 de l’obligation constitutionnelle formulée par l’article 20a LF de protéger le climat ne peut à présent être constatée.

Le seuil de température déterminant pour le contrôle de constitutionnalité, à savoir une augmentation nettement en dessous de 2 °C et de préférence en dessous de 1,5 °C, peut en principe être converti en un budget résiduel mondial de CO2 susceptible d’être ensuite réparti entre les différents États. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a calculé des budgets résiduels mondiaux concrets en fonction de différents seuils de températures et de différentes probabilités de survenance, tout en utilisant une procédure assurant la qualité de ses calculs et en divulguant les incertitudes qui demeurent. Sur ce fondement, le Conseil allemand d’experts en matières environnementales a calculé pour l’Allemagne un budget résiduel national concret à partir de 2020 qui serait conforme aux objectifs de l’accord de Paris. Eu égard aux incertitudes et appréciations que contient ce dernier, le volume calculé de ce budget n’est actuellement pas en mesure de fournir une base précise au chiffre près pour le contrôle de constitutionnalité, et une marge d’action demeure au législateur. Toutefois, il ne saurait utiliser cette marge d’action à sa libre discrétion politique. Lorsque demeurent des incertitudes scientifiques quant à des relations de cause à effet ayant un impact en matière environnementale, un devoir particulier d’agir avec soin et diligence pèse sur le législateur. Ce devoir exige que, s’il existe déjà des indications fiables relatives quant à la possibilité d’une survenance de dommages environnementaux graves ou irréversibles, ces indications soient prises en considération.

Actuellement, une violation de ce devoir d’agir avec soin et diligence ne peut être relevée. De ce devoir découle certes une obligation de tenir compte des évaluations du GIEC relatives au volume du budget résiduel mondial de CO2 restant, malgré les incertitudes qu’elles contiennent. Les volumes d’émissions fixés par le § 4, alinéa 1, 3e phrase KSG combiné à l’annexe no 2 conduiraient à épuiser en grande partie jusqu’en 2030 le budget résiduel calculé par le Conseil allemand d’experts en matières environnementales sur le fondement des évaluations de la part du GIEC. Eu égard aux incertitudes dans le cadre du budget résiduel tel qu’il a été calculé à l’heure actuelle, le manquement ne serait toutefois pas suffisamment sévère pour être censuré dans le cadre d’un contentieux constitutionnel.

3. Les dispositions du § 3, alinéa 1, 2nde phrase et du § 4, alinéa 1, 3e phrase KSG combiné à l’annexe no 2 ne satisfont toutefois pas à l’exigence découlant du principe de proportionnalité et selon laquelle la réduction des émissions de CO2 imposée par Constitution à l’article 20a LF en vue de réaliser la neutralité climatique doit avoir lieu avec prévoyance et être répartie dans le temps d’une manière qui ménage les droits fondamentaux.

a) Ainsi, il n’est pas tolérable de permettre à une certaine génération d’épuiser la majeure partie du budget résiduel de CO2 en ne réduisant les émissions que de façon relativement modérée, si une telle approche a pour effet de faire porter aux générations qui suivent un fardeau écrasant et de confronter ces dernières à une vaste perte de leur liberté. À l’avenir, même des pertes graves de liberté seront susceptibles d’être justifiées au regard du principe de proportionnalité et du droit constitutionnel en vue de protéger le climat ; c’est justement de ce fait que découle le risque de devoir alors accepter des pertes substantielles de liberté. Étant donné que les choix qui engendreront des conséquences pour la liberté ont été arrêtés dès à présent avec les dispositions relatives aux volumes des émissions, les effets affectant l’exercice futur de la liberté doivent toutefois être proportionnés du point de vue actuel. En outre, le devoir de protection objectif formulée à l’article 20a LF va de pair avec l’impératif de prendre soin des fondements naturels de la vie d’une manière qui permette de les léguer aux générations futures dans un état qui laisse à ces dernières un choix autre que celui de l’austérité radicale si elles veulent continuer à préserver ces fondements.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre exigée par le droit constitutionnel sera considérable, une fois passé le cap de l’année 2030. Il n’est pour l’heure pas possible de déterminer si cette réduction sera si massive qu’elle pourrait engendrer des restrictions intolérables aux droits fondamentaux. Le risque de contraintes considérables est cependant élevé, et ce risque ne peut être concilié avec les libertés fondamentales qui en seront affectées à l’avenir que si des mesures de précaution sont prises pour assurer une gestion des réductions nécessaires après 2030 qui ménage les droits fondamentaux. Une telle approche exige également de lancer en temps utile le passage à la neutralité climatique. Concrètement, il est indispensable de formuler bien à l’avance des exigences transparentes pour l’aménagement ultérieur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, des exigences qui devront servir de cadre d’orientation pour les processus nécessaires de développement et de mise en œuvre et en même temps pousser aux développements et offrir de la sécurité en matière de planification. À cette fin, il est impératif, en vertu du droit constitutionnel, d’une part de fixer en temps utile les obligations ultérieures en matière de réduction des émissions pour la période après et bien au-delà de 2030. D’autre part, il faut à cet égard que les volumes d’émissions annuelles et les obligations en matière de réduction de ces dernières soient assez détaillés, afin de constituer une orientation suffisamment concrète.

b) Avec le § 4, alinéa 6, 1re phrase KSG, le législateur a insuffisamment fixé l’ajustement de la trajectoire de réduction des émissions des gaz à effet de serre. Il n’est certes pas possible d’exiger qu’il fixe dès à présent et jusqu’à l’horizon de la neutralité climatique à atteindre en 2050 les volumes d’émissions décroissant annuellement. Toutefois, d’exiger seulement du gouvernement fédéral qu’il fixe – en 2025 – par décret des volumes ultérieurs d’émissions n’est pas suffisant. Au contraire, il faudrait fixer dans quels intervalles les ajustements suivants devront être effectués de manière transparente. Il n’est pas certain qu’avec la démarche prévue au § 4, alinéa 6 KSG la trajectoire ultérieure de réduction des émissions soit décelable à temps. Ainsi, il est permis de douter qu’un premier ajustement des volumes des émissions annuelles pour les périodes postérieures à 2030 interviendrait encore à temps s’il n’avait lieu qu’en 2025. Même au-delà de cette première fixation des volumes ultérieurs, il n’est pas assuré que de telles déterminations aient lieu à temps, car le § 4, alinéa 6 KSG ne garantit pas que ces fixations produisent des effets futurs suffisants. Dans la mesure où le législateur souhaite maintenir son choix d’attribuer en la matière un rôle au pouvoir réglementaire, il devrait imposer à ce dernier de procéder à des fixations à plus grande portée ; en particulier, il faudrait qu’il l’oblige à procéder dès avant 2025 à la première fixation de ces volumes ultérieurs ou du moins lui imposer nettement plus en amont et au moyen de dispositions législatives jusqu’à quelle date dans l’avenir les fixations arrêtées en 2025 devront s’appliquer. Si le législateur choisit de procéder entièrement lui-même à l’ajustement de la trajectoire de réduction des émissions, il faudra qu’il fixe en temps utile et avec une portée suffisante dans le temps toutes les mesures nécessaires.

c) En l’état, le § 4, alinéa 6 KSG ne satisfait pas non plus aux exigences constitutionnelles découlant d’une part de l’article 80, alinéa 1 LF, et d’autre part du principe du monopole législatif du Parlement. Le législateur est en tout état de cause tenu soit de définir lui-même le montant des volumes des émissions annuelles à fixer pour les périodes postérieures à 2030, soit d’imposer des obligations plus précises pour la fixation concrète de ces volumes par le pouvoir réglementaire.

Verfügbare Sprachen